Comme toujours les cocoricos éclatants du Coq rouge et jeune font énerver tous les animaux. Le Coq ne voulait jamais se débarrasser de son habitude. Il chante de toute force comme s'il était le propriétaire du hameau et il devait faire lever tous. Je croyais toujours qu'un coq est absolument inoffensif, pourtant son habitude m'agace. De toute façon les cocoricos successifs du Coq accueillent le soleil éblouissant et réveillent toutes les bêtes en peu de temps. Ensuite au lieu de ce chant embêtant, le grincement des aubes d'une roue de moulin retentit agréablement une voix lente et harmonieuse à nos oreilles. Le moulin jette largement son ombre sur notre champ. Etant le plus grand objet qui se trouve sur notre hameau, il est bien connu de tous les animaux.
Le printemps tardif a à peine remplacé l'hiver. On ne s'est pas encore levé du sommeil hibernal. Les accumulations restées de neige de l'hiver précédent fondent progressivement. D'ailleurs, l'ambiance du champ change aussi bien que l'apparence de la nature. Tous les animaux se rassemblent une autre fois. C'est une image de mon monde et tous les autres animaux du hameau. Tout est devenu neuf surtout les herbes odorifiantes du champ enivrent les moutons. Nous nous y dirigeons précipitamment pour en manger avec un grand appétit. En ce moment le Bœuf sort de son étable en meuglant et rejoint les autres herbivores. Certains moutons orgueilleux se mettent à bêler fortement de sorte à montrer leur irritation tandis que le Bœuf broute dans le champ sans faire attention à personne. En réalité, ce bruit se fortifie à cause de leur attachement aux herbes fraîches, car chacun pense que les herbes n'appartiennent qu'à lui.
Le nouveau venu, l'Ane gris qu'on appelle ″le Gris″ broute tout seul dans un coin. Je me souviens du jour de son arrivée. En début d'un après-midi il est entré dans notre hameau fatigué et très angoissé. Il trottait et tournait sans cesse autour du champ. Tout d'un coup il est tombé par terre. Le troupeau de moutons qui manifestait toujours leur ébahissement devant tout, le regardait bizarrement. Au bout de dix minutes, le Gris, profitant de l'absence du Bœuf, titubé jusqu'à son étable, s'y est laissé tomber. Ainsi a-t-il tout de suite dormi profondément. Au coucher du soleil, le Bœuf stupéfait, voyant sa demeure conquise par un nouveau venu a commencé à beugler vigoureusement. En ce moment-là, l'Oncle à pois, notre chef, s'est séparé du troupeau et est allé directement vers le Bœuf irrité. Ils se sont confronté. On dirait qu'ils se sont adressé des paroles. Après les avoir bien contemplés, un murmure s'est levé dans le troupeau. Mais après une conversation mystérieuse, le Bœuf apaisé a fini par laisser le Gris dormir dans sa place. Cet évènement m'a étonné tellement et m'a fait passer une nuit blanche avec une grande question dans la tête. Ce soir-là, le Bœuf était invité dans notre écurie. Le lendemain, lorsqu'on était en train de prendre notre herbe matinale, l'Oncle à pois a parlé gaiement avec le Gris. On était devenu fou de ces événements successifs, ainsi on ne pouvait comprendre comment ils se sont communiqués. L'Oncle à pois confronté à la foule étonnée de moutons, s'est dirigé lentement au-dessus d'une roche et s'est mis à nous raconter.
- Mes chers amis! Je m'attendais à ce jour depuis longtemps et je prévoyais ces questions de votre part. Vous savez bien que je suis le plus grand mouton de ce champ et ainsi j'ai vu la naissance de chacun de vous. Autrefois, lorsque j'étais jeune et vivais avec mes parents, le champ était plein de gaieté et vivacité. Notre famille ne s'en était pas seulement tenue aux moutons. Tous les animaux se connaissaient comme membres d'une famille et s'aimaient. On se communiquait aisément puisqu'on se comprenait. Moi et le Bœuf sommes des survivants de cette époque-là et nous sommes de bons amis d'enfance. Non seulement on se comprend, mais encore on comprend la langue des autres animaux du champ. Hier, j'ai raconté l'histoire du pauvre Gris au Bœuf et il l'a acceptée gentiment.
Un cri parmi le troupeau :
- C'est donc de cela que vous avez parlé et que vous avez pu le convaincre ?!
L'Oncle à pois dit affirmativement :
- Il a fallu « palabler un grand moment pour persuader quelqu'un » ! ¹
- Bon, encore ! A propos du Gris?
- D'abord je lui ai souhaité la bienvenue et puis je l'ai rassuré qu'il n'était pas seul ici et que nous étions tous des amis. Par conséquent, le Gris a demandé pardon pour son arrivée et m'a remercié cordialement.
La foule favorablement impressionnée réclame d'une même voix :
- On veut apprendre cette compétence. On aime se comprendre.
Cet événement a entraîné une amitié intime parmi les bêtes et a inspiré leur talent pour commencer à apprendre la langue commune. On profite des expériences de l'Oncle à pois ainsi que du Bœuf pour se maîtriser. Cependant il faut du temps et de l'effort pour éliminer des malentendus.
Le Chien maussade, réveillé par des cocoricos du coq, est en train de sortir son os enterré d'une manière tellement troublante. Il le met sous sa main, se prélasse tout de suite et le lèche avidement. Un petit Poussin gazouillant tourbillonne autour du Chien. Il veut jouer avec lui. Alors, il fait bouger sa queue et la picote doucement. Tout à coup le Chien aboie fortement et effraye le pauvre Poussin. Celui-ci se retire sous les arbres avec un air triste. Le Chat avec ses yeux perçants le trouve seul, il saute sur lui et l'attrape. Mais par hasard, le Chien se réveille et les voit sur-le-champ. Avec ses aboiements vigoureux, le Chat s'évade et se réfugie dans les branches des arbres. En fait, ce comportement du Chien m'étonne beaucoup. C'était incompréhensible qu'il a agi ainsi par soit l'antipathie contre le Chat soit la sympathie envers le petit Poussin craintif.
Après quelques minutes le braiment fort du Gris attire l'attention de tous. On pense qu'il brait pour s'amuser. Mais cette fois, il essaye de nous faire constater quelque chose. Il s'arrête sous un grand arbre, dresse les oreilles vers l'endroit où, il me semble, il sent la présence de quelque chose. On devient tous inquiets. Soudain, on voit le Corbeau noir surveiller le poulailler sur une branche d'arbre. Il attaque le nid et saisit l'un des œufs avec son bec dur et saute aussitôt au-dessus de l'arbre. Haletantes, toutes les bêtes arrivent précipitamment à l'arbre. Le Coq et la Poule sautent dans tous les sens et voltigent beaucoup mais, c'est en vain car ils ne peuvent voler. Juste à ce moment de souci le Chat avec son agilité excessive, court à toute vitesse et saute sur le Corbeau. Tous les deux tombent par terre. Le Corbeau s'envole immédiatement en laissant tomber l'œuf. Le Chat blessé se met à miauler péniblement. Tout de suite tous les animaux forment un cercle autour du Chat. Le Coq et la Poule vont rapidement vers leur œuf et deviennent ravis de le trouver, une autre fois, sain et sauf. Toutes les bêtes apprécient le courage du Chat. Ce dévouement spontané du Chat émeût le Chien et semble lui plaire; alors, il l'encourage tout en le léchant gentiment. Soudain, on entend la voix du craquement de l'œuf. Le monde, touché par cette naissance imprévue, le regarde en silence. Même le Coq et la poule ne s'attendent pas que leur œuf éclose maintenant et leur nouveau Poussin voit le jour. A ce moment l'Oncle à pois attend sur une roche qui domine la scène et commence à parler :
- Je félicite la naissance de ce mignon Poussin. Ce Poussin nouveau-né est un membre de la grande famille que nous sommes. Ce hameau est tout à fait notre monde. Il nous faut le protéger de tous les malheurs. Nous devons être très liés. Au cas où, il y aurait du danger, on doit se souder pour ne laisser à personne blesser notre grande communauté, comme l'acte courageux du cher Chat. Pouvoir se comprendre est un don divin qui nous aide dans toutes les circonstances difficiles de la vie. Mes chers Moutons, c'est juste qu'on bêle, le Bœuf meugle, le Chien aboie, le Chat miaule, le Coq et la Poule chantent et l'Ane brait; mais nous vivons sur la même terre. Donc, on doit se communiquer afin de vivre heureux et joyeux l'un à côté de l'autre.
Un silence éloquent domine dans le hameau entier. Le gazouillement du Poussin nouveau-né sous les plumes de sa mère se mêle à la voix agréable de la roue du moulin. La brise siffle doucement dans les feuillages des grands arbres. Les fleurs épanouies répandent une odeur sauve. C'est un beau jour...
.«¹ Cité de Tharaud, dans le dictionnaire PETIT ROBERT, sous la définition du mot «persuader